Le Manifeste - N° 11 - Décembre 2004
Éditorial
L'impérialisme à bout de souffle
La réélection de Bush n’est certes pas une bonne nouvelle
mais elle n’est pas franchement une surprise. Plus qu’un personnage, présenté
bien souvent en France comme un épouvantail à moineau, c’est la logique de
l’impérialisme qui triomphe. Qui prétendrait que John Kerry s’était inscrit en
rupture avec cette logique ? Les inégalités vertigineuses qu’engendre le
capitalisme aux USA, l’exacerbation de sa domination sur le monde, n’ont fait
l’objet d’aucun débat de fond entre les deux concurrents. Dès lors les millions
d’Américains qui souffrent ont continué de rester chez eux le jour du vote – la
participation « record » soulignée par les médias ne doit pas occulter le fait
que plus de 4 électeurs sur 10 se sont abstenus – voire ont voté Bush jugeant
qu’après tout il était le meilleur rempart contre le terrorisme.
Les cris d’orfraie, en France, contre la réélection de Bush ne sont pas tous
dénués d’arrière-pensées, à la mesure des « espoirs » placés en un Kerry qui
n’en portait pourtant aucun. Mais la réalité est là : l’alternance n’est pas
l’alternative. Or l’évolution de l’impérialisme appelle l’alternative et non
l’alternance. Face à la misère qui galope, à un continent africain qui se meurt,
aux défis écologiques planétaires, à la terrible guerre en Irak, la seule
perspective de changement de leader et d’équipe dirigeante ne suffit plus. Il
faut inventer d’autres réponses politiques et surtout révolutionner le rapport
de la politique au monde. Il n’est plus possible de laisser à ce point le champ
libre aux financiers, banquiers et boursicoteurs de haut vol. La loi du marché
est obsolète dans des domaines vitaux pour l’humanité : alimentation, énergie,
santé, éducation, logement, eau… Les sociétés humaines sont de plus en plus
interdépendantes. Elles ont plus que jamais besoin de solidarité, de fraternité,
d’une autre cohésion que celle de Borloo, qui signifie l’assujettissement des
peuples aux classes dominantes bourgeoises. La loi de la jungle qui y sévit
durement fait de plus en plus figure d’antique barbarie. Singulier paradoxe de
l’histoire : c’est au moment où l’impérialisme apparaît au faîte de sa puissance
que sa fin semble le plus nécessaire.
Francis Combes, André Gerin, Freddy Huck